Pour cette première interview de 2021, on vous emmène dans l’univers de Nogi San. Artiste française passionnée par le Japon et sa culture, elle souhaite redonner ses lettres de noblesse à l’art traditionnel nippon en mêlant à la fois l’encre traditionnelle et le digital.


C’est au cours de nos pérégrinations sur Instagram que nous avons découvert Nogi San. Comme on a tous été très vite d’accord sur le fait que l’on adorait son travail, on lui a proposé une interview qu’elle a très gentiment accepté.

On a d’abord voulu discuter art et dessin (logique), mais on a pu vite développer sur plus de sujets tout aussi intéressants, qu’on vous laisse découvrir juste en dessous.

Est-ce que tu peux te présenter ?

Je m’appelle Julie Bueria, j’ai 24 ans, je suis française et vietnamienne et j’habite en France. Je travaille actuellement en tant qu’artiste illustratrice en indépendant et je crée principalement des illustrations à l’encre de Chine ayant pour inspiration la pop culture et culture japonaise.

Peux-tu nous en dire un peu plus sur ton parcours ?

L’intérêt pour le dessin est venu très tôt. C’est un peu triste, mais vu que j’avais 2 cultures à la maison, je parlais alternativement le français ou le vietnamien sans y faire attention. Dès l’entrée à l’école, je parlais ainsi les 2 langues et j’ai été très vite victime de racisme. Cela m’a alors plongé dans un mutisme pendant quelques années et je ne communiquais que par le dessin. Depuis, j’ai toujours gardé cette passion du dessin que j’ai entretenu au fil des années. C’est en baignant dans la culture asiatique et en lisant mes premiers mangas que j’ai dessiné à l’encre de Chine.

"Honor" par Nogi San ©
« Honor » par Nogi San ©

À la base, j’ai commencé par un cursus d’ingénieur (on est vraiment loin), mais ayant toujours aimé le dessin et voulu travailler dedans, j’avais toujours quelques petits projets à côté. Et une fois que ces projets ont pris plus d’ampleur et avec mes débuts en convention, j’ai décidé d’arrêter le cursus d’ingénieur pour me lancer à temps plein dans l’art – à partir du moment où j’ai pu en vivre. Et c’est aujourd’hui un choix que je ne regrette absolument pas.

Quelles ont été les principales influences qui t’ont permis de développer ton style ?

J’ai toujours aimé l’encre de Chine, surtout depuis mon adolescence lorsque j’ai découvert et lu Fullmetal Alchemist. Je suis immédiatement tombée amoureuse de la patte de Hiromu Arakawa. Pourtant, avant de faire de l’encre de Chine (à temps plein), je faisais du digital painting ou des concept art d’environnement.

Un artbook qu’on vous conseille fortement !

Puis c’est il y a quelques années que j’ai commencé à développer mon style à l’encre et la présence sur les réseaux. J’étais cependant un peu sceptique de passer du digital très coloré à l’encre de Chine en noir et blanc et au rendu bien plus brut. J’ai été énormément surprise de voir que ce style plaisait et surtout qu’autant de gens m’encourageaient et appréciaient ce style d’art. Je me sentais plus épanouie avec ce style, car j’apprécie beaucoup son rendu brut artistique et son dynamisme.

« Kitsune » par Nogi San ©

C’est aussi un gros challenge de n’utiliser principalement que du noir et du blanc, car il faut pouvoir simuler le sujet, ajouter les détails au bon endroit pour avoir un coté un peu abstrait/suggestif, mais aussi que le visuel soit impactant. Je me suis aussi beaucoup inspirée en grandissant des artistes asiatiques comme Kim Jung Gi (le boss), Okazu ou encore Yoji Shinkawa.

Kim Jung Gi

Mon but était de donner un renouveau à l’art traditionnel japonais en m’inspirant de ce qui se fait déjà, d’avoir une version plus moderne et qui colle aussi à la culture d’aujourd’hui.

Quels sont les personnages et/ou univers que tu préfères dessiner et pourquoi ?

J’aime beaucoup dessiner les fan art, mais ce que je préfère dessiner par-dessus tout ce sont les créations personnelles et tout ce qui ne colle pas trop à un univers existant. J’aime inventer, créer et être libre sur mes illustrations. En ce moment, j’aime beaucoup ce qui touche à la culture japonaise, notamment les yōkai. Je suis fascinée par la mythologie en général (surtout japonaise) et voir les estampes du folklore japonais me donne beaucoup d’inspiration pour dessiner mon interprétation de ces créatures.

Tu as commencé à streamer il y a quelque temps, qu’est-ce qui t’as poussé à le faire ? Comment ça se passe ?

Oui ! J’ai commencé pendant le premier confinement. Mais je ne stream que de temps en temps. Je suis de naturel timide et j’ai donc voulu sauter le pas, par défi personnel ! J’aime vraiment beaucoup le stream, car il permet de se sentir très proche de la communauté et des gens qui nous soutiennent, contrairement a Instagram par exemple qui est un peu déshumanisant.

Extrait de son live Twitch

Ça permet aussi de montrer aux gens comment on travaille, de discuter avec eux en direct tout en étant posé, mais aussi de se motiver en dessinant. Ça a été pour moi une belle découverte que je compte évidemment continuer tout au long de l’année.

N’hésitez pas à lui passer un petit coucou sur sa chaîne Twitch si vous voulez discuter et passer un moment chill !

Une question jamais facile : c’est quoi ton top 3 anime/manga ?

Dur de choisir ! On va commencer par Fullmetal Alchemist, parce que l’histoire est dingue et qu’il a été mon gros déclencheur artistique. Ensuite, je dirais Demon Slayer, tout simplement car c’est insane : que ce soit l’animation ou l’univers avec ses touches de Japon traditionnel, c’est juste un régal. Et pour finir.. Your Name. C’est tout simplement un chef d’oeuvre en terme de scénario et de graphisme.

« Tanjiro Kamado » par Nogi San ©

En moyenne, tu passes combien de temps à réaliser une oeuvre ? Et si tu devais en choisir une seule, celle qui te tient le plus à coeur ?

Cela peut beaucoup varier, car je passe beaucoup de temps à tester des croquis, pour trouver la bonne pose, compo ou pour tester des éclairages et ombres différentes. Une fois que j’ai trouvé et testé un petit thumbnail à l’encre, je passe à l’encrage final. L’encrage en lui-même n’est pas très long, car j’ai un style qui est quand même plus subjectif que précis. Je peux me permettre de faire des gros coups de brush bien impulsifs, du coup s’est compliqué de donner une estimation. Pour des petites encres plus artistiques, je peux passer moins d’une heure tandis que pour des encres plus poussées, je peux passer plusieurs heures lorsque je choisis d’aller plus loin dans le détail.

"Dragon Warrior" par Nogi San ©
« Dragon Warrior » par Nogi San ©

Je fais aussi des oeuvres ou je mélange une base à l’encre avec une coloration de style comics et dans ce cas, le niveau détail et de colorisation est plus poussé que je peux facilement y passer plus de 15h. L’oeuvre qui me tient le plus à coeur.. Ce n’est vraiment pas une question évidente ! J’en ai plusieurs pour différentes raisons, mais je dirais Dragon Warrior. Il est simple, mais c’est une créa perso que j’ai réalisé avec mes émotions, il y a beaucoup d’énergie qui s’en dégage. Ça a un peu un effet thérapeutique.

On a vu que tu as pu faire pas mal de conventions différentes, est-ce que tu as une anecdote particulière ou marquante à ce sujet ?

Les conventions, c’est vraiment une expérience superbe à vivre en tant qu’artiste. Je me souviens de ma toute première convention, lorsque que j’étais encore une mini Nogi, et que je pensais que mes oeuvres ne marcheraient jamais à côté des géants de ce milieu. J’étais aussi la seule à faire exclusivement de l’encre de Chine ou du noir et blanc au milieu de toutes ces magnifiques couleurs.

"Onna Bugeisha" par Nogi San ©
« Onna Bugeisha » par Nogi San ©

Je pensais donc que ça ne plairait pas au public d’ici, surtout que personne ne me connaissait. J’avais à peine une malheureuse page FB et j’avais investi tout l’argent d’un job étudiant pour le matériel et le trajet, sans oublier tout le mois passé à faire des toiles dans mon petit studio étudiant. Et contrairement à toutes mes craintes, la réaction du public a été géniale. C’était la première fois que j’expérimentais la réaction des gens IRL et que je me rendais compte que ce que je faisais plaisait vraiment.

"5 des 7 vertus du Bushido : Courage" par Nogi San
« 5 des 7 vertus du Bushido : Courage » par Nogi San ©

C’est cette première convention qui m’a motivé et confirmé à continuer mon chemin dans l’art, car ce que je faisais touchait vraiment les gens. Sinon, j’ai aussi une anecdote un peu plus fun maintenant que je fais pas mal de conventions ! Il m’arrive très souvent que les gens ne croient pas que je sois Nogi San lorsque qu’on me croise à mon propre stand ! Énormément de personnes pensent que Nogi San est un homme à cause du style assez masculin et brutal de l’encre de Chine. À chaque fois qu’un ami vient m’aider sur mon stand, la majorité des gens qui viennent vont le féliciter sur les oeuvres. Du coup, petit message pour annoncer que les femmes ne dessinent pas que des papillons !

Pour aller dans un autre registre, tu as des envies de lâcher l’illustration pour devenir mannequin depuis ton apparition pour la marque Reyes ? Blague à part, quelle est ta relation avec le streetwear/la mode en général ?

Hahaha oui, j’ai tout arrêté, j’attends votre appel Reyes… 🙁
J’adore le streetwear et surtout le streetwear asiatique, car c’est un style que je porte aussi. J’ai énormément envie de créer une vraie marque de vêtements streetwear avec des créations uniques et spécialement pour. C’est un projet qui je l’espère, verra le jour. Pour l’instant, j’ai ma petite collection de sweat et t-shirt avec mes créations disponible sur mon shop.

Et pour terminer, si tu as des artistes dont tu apprécies le travail et que tu souhaites mettre en avant pour nous faire découvrir, c’est le moment !

Dur de faire un choix, il y a tellement d’artistes dont j’apprécie le travail ! Je dirais Toni Infante, qui a un style que je trouve incroyable, avec beaucoup de dynamisme et un côté painty. Il y a aussi l’artiste Zao Dao que j’adore, qui peint à l’encre de Chine des illustrations sublimes et très poétiques. Et je mettrais en dernier un petit big up a Edogalan, qui dépeint avec délicatesse les yōkai.


Encore un grand merci à Nogi de nous avoir accordé cette interview ! On vous invite fortement à suivre son travail sur son compte Instagram et Twitter. Vous pouvez également la soutenir en passant faire un tour sur son shop en ligne (ça peut être une bonne idée pour un cadeau).

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